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Illustration du secteur du BTP.
Illustration du secteur du BTP. — PASTORNICOLAS/SIPA

C’était il y a quelques mois, se souvient Valérie Jeannin. La société CST Électricité, dont elle est la responsable administrative et ressources humaines, travaille sur un important chantier à la Savine, une cité du XVe arrondissement, dans les quartiers Nord de Marseille.

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Un après-midi, un homme cagoulé, visiblement impliqué dans un réseau de trafic de stupéfiants, fait irruption sur le chantier et met une arme sur la tempe du conducteur des travaux. « Il a dit qu’il fallait qu’on se dépêche de vite finir à 16 heures, cela nuisait à ses affaires », explique Valérie Jeannin. Les ouvriers sur place décident alors d’exercer leur droit de retrait. Le chantier est arrêté pendant quinze jours.

50 millions d’euros de perte

Ce phénomène, s’il reste à la marge, inquiète les autorités et les professionnels du BTP. Tous deux ont même décidé d’organiser ce mercredi les premières assises de la sécurité du BTP, pour lutter contre les vols et autres incidents qui menacent les chantiers de la région. « Ca peut aller du racket purement financier au racket à l’emploi », explicite André Ribes, procureur adjoint de la République de Marseille. Mais aussi des destructions de matériel type incendie volontaire ou encore des vols.

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« Ces incidents sont responsables dans le département des Bouches-du-Rhône de 50 millions d’euros en perte d’activité », poursuit Philippe Deveau, président de la fédération BTP du département. Le phénomène est toutefois national, précise-t-il. « Le BTP est une activité, globalement, à l’air libre, contrairement à d’autres sites industriels qui sont fermés. C’est pour certain une mine d’or à ciel ouvert. La ruche attire les abeilles… » « Dix kilos de fils électriques, vous et moi, on s’en fiche, mais ça intéresse certains, car ils contiennent des métaux, et ça, ça a un prix », renchérit André Ribes.

41 plaintes en 2016

En 2016, le parquet de Marseille a traité 41 dossiers liés à des plaintes sur des chantiers, qui ont mené à 26 arrestations et dix comparutions devant la justice. La dernière plainte, cette année, remonte à quelques semaines pour des faits de violences. « Un ouvrier s’est pris un coup de burin », explique André Ribes. L’incident a traumatisé les employés au point que la société victime de ces agissements ait décidé d’ouvrir une cellule psychologique par l’entreprise. « Il faut que personne n’ait peur d’aller travailler sur un chantier », martèle Philippe Deveau.

Le nombre de plaintes reste toutefois trop faible aux yeux des autorités, comparé aux nombres d’infractions supposées chaque année que les entreprises taisent, par manque de temps ou par peur des représailles. « Ce n’est pas toujours un réflexe instantané, concède Philippe Deveau. Cela m’est arrivé personnellement que quelqu’un me dise : "On va te tuer". On ne sait pas quoi faire. » Une entreprise touchée par le phénomène a d’ailleurs refusé, un peu embêtée, de répondre aux questions de 20 Minutes par crainte de raviver des tensions.

La crainte des représailles

Les menaces restent toutefois sans suite à en croire Jean-François Jaffuel, commissaire général de la direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône. « Ce sont des voyous dans ces cités qui se donnent une image de caïd qu’ils ne sont pas », estime-t-il.

« La problématique de la plainte est un enjeu majeur », analyse le préfet de police des Bouches-du-Rhône Olivier de Mazières. Outre le dispositif « Ras le vol » de la fédération du BTP13, qui vise à prévenir et réprimer les blocages de chantiers, le préfet de police a décidé d’endiguer le problème via un nouveau levier : la police de sécurité du quotidien. Il faut dire qu’avec 14 milliards d’euros, le BTP est le premier secteur économique de la région Paca.

Source de l'article : https://www.20minutes.fr/marseille/2245395-20180328-marseille-menace-racket-vol-faut-personne-peur-aller-travailler-chantier
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